La fondation CRÉSUS est en train de se doter d’une arme nouvelle pour lutter contre le surendettement. Elle va investir près de 3 millions d’euros pour développer une plateforme internet d’accompagnement à la gestion budgétaire. Un outil simple et intelligent, qui sera mis gratuitement à la disposition de tous.
Jean-Louis Kiehl s’est fait une raison : le registre national des crédits à la consommation, pour lequel il milite depuis plus de 25 ans, ne verra sans doute jamais le jour. La création de ce dispositif, destiné à lutter contre le surendettement en répertoriant l’ensemble des crédits détenus par un particulier, avait pourtant été prévue par la loi Hamon sur la consommation en 2014. Las, la mesure a été retoquée par le Conseil constitutionnel.
Le président de la fondation CRÉSUS – extension nationale de la Chambre régionale du surendettement social – a donc décidé de changer d’angle d’attaque. L’idée est toujours de faire de la prévention, mais autrement. L’organisation va en fait tirer parti des nouvelles possibilités offertes par le digital pour créer « une application interactive, dotée de fonctionnalités innovantes, permettant au consommateur de maîtriser en temps réel sa situation budgétaire et financière ». Son nom : le BGV (budget à grande vitesse).
Rassurer et accompagner
Le prototype, développé par le data lab de CRÉSUS, existe déjà. Très simple d’utilisation « pour rassurer les utilisateurs » , il « agrège les comptes bancaires, intègre toutes les informa-tions sur les charges » (loyer, électri-cité, gaz, assurances, impôts, etc.) et « calcule chaque jour ce qui reste jusqu’à la fin du mois ». Résultat, « il permet en cinq minutes de savoir combien d’euros on peut dépenser quotidiennement » et envoie des alertes en cas de dérive.
Le système, qui a recours à l’intelligence artificielle, est aussi capable de simuler l’impact d’un projet de prêt sur le budget, générer automatiquement des lettres de réclamation ou encore calculer les aides auxquelles la personne a droit (par exemple les APL ou le RSA activité) et d’établir la liste des documents qu’elle doit réunir pour demander à en bénéficier. Doté d’un coffre-fort numérique, il pourra aussi prévenir lorsqu’il faudra renouveler ses documents – passeport, carte de séjour, etc.
Si tout se passe comme prévu, cette application sera disponible gratuitement – auprès des établissements financiers partenaires de CRÉSUS – sur smartphone et sur ordinateur dans un peu moins d’un an. Le travail de développement, qui a débuté l’an dernier, n’est en effet pas achevé. Pour le mener à bien, « nous allons recruter des ingénieurs et des spécialistes en data » , annonce Jean-Louis Kiehl. Pour cela, « nous allons travailler avec des grands groupes qui vont nous aider à travers du mécénat de compétences ».
Un labo à Strasbourg
Une équipe s’installera à Saclay, au plus près des centres de recherche. Une autre est en place depuis le mois de juillet à la Station F, l’incubateur de start-up géant crée par Xavier Niel à la halle Freyssinet, à Paris – où « nous avons été sélectionnés comme entreprise de l’économie sociale et solidaire » , explique le président de CRÉSUS. L’essentiel de l’équipe, composée au total de douze personnes, sera cependant basé à Strasbourg, dans un nouveau laboratoire digital en cours d’aménagement pour un montant de 800 000 €.
Au total, CRÉSUS – qui ne perçoit pas de subventions (*) – prévoit d’investir 2,9 millions d’euros en trois ans dans ce programme. Pour le financer, « nous allons lever des fonds obligataires auprès des ISR (fonds d’investissement socialement responsable) » , annonce son président. Une démarche sans risque pour la fondation : « Si ça marche, l’État rembourse. Si ça ne marche pas, les investisseurs acceptent de perdre de l’argent. »
L’organisation, qui a « déjà des demandes de l’étranger » pour son application, pourra aussi compter sur une subvention de Bpifrance pour doter BGV d’une fonctionnalité supplémentaire en 2019 : une fiche de dialogue certifiée, destinée à faciliter l’accès au crédit dans des conditions « économiquement et socialement responsables ». Un dispositif qui rendra caduque, une fois pour toutes, la question de la création d’un fichier national des crédits.