Les banques ne jouent pas assez le jeu avec leurs clients en difficulté financière, selon des associations afp.com/PHILIPPE HUGUEN


Paris - Matraquage tarifaire et lacunes dans la détection des personnes fragiles: les banques ne jouent pas assez le jeu avec leurs clients en difficulté financière, regrettent des associations, en dépit d'un resserrement de la législation depuis deux ans.

 
Après avoir eu un accident de la route début 2016 et 2.400 euros de réparations à régler, Yannick Boubechiche, employé de sécurité privée gagnant en moyenne 1.700 euros par mois, s'apprête à déposer une demande de moratoire auprès de la Banque de France pour suspendre ses échéances de paiement. 
 
Il s'estime "acculé" après le paiement de près de 1.500 euros de frais d'incidents bancaires en un an et l'octroi d'un découvert autorisé pendant quelques mois. "Pendant un an, j'ai expliqué ma situation, demandé des solutions mais rien", déplore auprès de l'AFP ce père de famille de 36 ans. 
 
Or, depuis fin 2014, pour prévenir le surendettement, les établissements de crédit sont tenus de détecter les clients dits fragiles auxquels ils doivent proposer une offre spécifique de services bancaires de base à 3 euros mensuels, ainsi que l'aide d'un organisme tiers indépendant. 
 
Mais celle-ci "n'est pas forcément mise en avant par les banques" qui disposent d'une marge d'appréciation de la situation de leurs clients et peuvent ne pas les considérer comme fragiles, regrettait Sandrine Perrois, juriste de l'association de consommateurs CLCV, lors de la présentation de son étude bancaire annuelle à la mi-janvier.  
  
Appartiennent à cette catégorie les clients ayant connu des incidents de paiement répétés et les surendettés, soit trois millions de personnes en 2015, selon les données de la Banque de France. 
 
"Les banques ont peur que trop de clients classiques passent en offre spécifique parce que cela fait des revenus en moins", dénonce à l'AFP Maxime Pekkip, chargé de mission prévention pour Crésus, association d'aide aux personnes en difficulté financière.  
 
En outre, en dépit du plafonnement des commissions d'intervention à 20 euros par mois dans l'offre spécifique, CLCV a critiqué aussi les excès liés aux frais d'incidents bancaires comme ceux de saisie sur compte s'élevant en moyenne à 100 euros et des autorisations de découvert illisibles. 
 
- Difficile de reconnaître les clients fragiles - 
 
En fait, "les banques n'ont ni les moyens, ni la structure pour pouvoir détecter les personnes en situation de pré ou de mal-endettement", affirme M. Pekkip, déplorant le rejet du "fichier positif", initialement prévu dans la loi Hamon sur la consommation qui devait recenser tous les crédits accordés aux particuliers.  
 
"Faire de la prévention alors que la personne est en impayé, c'est donner de l'aspirine pour traiter le cancer", dénonce le bénévole. 
 
Mais "le plus souvent, les personnes en difficulté ne viennent pas en parler à leur banque et attendent d'avoir des difficultés importantes avant de réagir", rétorque-t-on du côté de la Fédération bancaire française (FBF). 
 
Or, en l'absence d'impayés, les banques ne peuvent pas s'immiscer dans la gestion budgétaire de leurs clients au nom du respect de la vie privée, explique la FBF, qui depuis une dizaine d'années développe des partenariats entre banques, organismes sociaux et associations pour accompagner les personnes en précarité et éviter le surendettement. 
 
Autre dispositif méconnu selon les associations: le droit au compte, existant depuis 32 ans. Il permet à une personne s'étant vu refuser l'ouverture d'un compte bancaire par un établissement de saisir la Banque de France, qui doit désigner sous 24 heures une agence obligée de fournir un service bancaire de base gratuit. 
 
Près de 69.000 personnes en ont bénéficié en 2015. Insuffisant, tranche M. Pekkip, qui plaide pour une extension de cette procédure ou, a minima, de l'offre spécifique à tous les surendettés, qu'il évalue à plus d'un million en France.  
 
Ces derniers ont souvent pour alternative le Compte Nickel (de la société la Financière des paiements électroniques, FPE), avec borne d'inscription chez les buralistes en quelques minutes et sans formalité, ajoute-t-il. Ce compte de paiement, coûtant au minimum 20 euros par an, totalise actuellement environ 500.000 utilisateurs. 
 
Du côté de la Banque de France, on indique que le droit au compte sera étendu au niveau européen en juin 2017 et disposera, au second semestre, d'un espace internet dédié afin de faciliter les démarches.